22 févr. 2008

Interview de Brigitte Baillieux

Dans le cadre des scènes participatives du manège.mons/Maison folie, Anne André a proposé à Brigitte Baillieux - metteuse en scène de « Soie » de Alessandro Baricco et de « Le Carré des cosaques » - d’imaginer une création réunissant la Maison Folie et les habitants de Mons et environs.

Ainsi est né le projet « C’est gentil. Il ne fallait pas ! » un autoportrait de famille, pluridisciplinaire – musique, vidéo, théâtre…mêlant témoignages et écriture, artistes amateurs et professionnels.-

Brigitte Baillieux travaille aujourd’hui sur la création DES spectacles puisque le projet a pris une dimension transfrontalière avec les Maisons Folie de Lille, Maubeuge et Mons.

Penchons-nous sur le comment et le pourquoi de cette création :
La famille ? dit Brigitte Baillieux, c’est mon mari et mon fils ? Ou bien c’est mon père, ma mère, mon frère ? Ou encore, ce sont les cousines de ma mère ? Je suis plus : une fille ? Une mère ? Une nièce ? Une belle-sœur ? La famille, pour moi, ce sont des maisons imaginaires. Des maisons de taille, de couleur, de vétusté, de lumière, de transparence, de styles différents. Elles se superposent, s’interpénètrent, se croisent, rivalisent à l’intérieur de nous »

Famille, maison : le thème touche même le nom de la compagnie théâtrale de Brigitte Baillieux : La Maison éphémère
« A chaque spectacle, une famille se crée avec l’équipe du spectacle, une maison dans laquelle recevoir les spectateurs, le temps d’une représentation »

En approfondissant cette image, Brigitte Baillieux nous apprend sa vision du théâtre : « Ce qui m’intéresse c’est de travailler sur un lien d’intimité avec le spectateur. J’aime traverser le 4ème mur du théâtre pour m’adresser directement à lui, lui confier un rôle. Dans « C’est gentil, il ne fallait pas ! », il aura le rôle d’un convive d’une réunion de famille, un rôle de figurant »
Ainsi, dans son travail avec les comédiens, Brigitte place tout de suite l’intimité comme un enjeu principal : « Quand je dirige les acteurs, je leur demande de me regarder, moi, leur premier spectateur et non un public fictif, pour créer directement un rapport de réalité entre celui qui regarde et celui qui parle, même et justement si l’univers qui se transmet est imaginaire. ».»

Le lien de familiarité, d’intimité se retrouve aussi dans la préparation du projet : pour cette création, Brigitte s’est entourée de nombreux collaborateurs. Parmi eux, Virginie Thirion, auteure de théâtre, - prix du théâtre pour le meilleur auteur en 2007- va écrire la partie théâtrale du projet. : « Virginie connaît le principe de départ : imaginer un repas de famille où spectateurs et comédiens sont assis autour des mêmes tables.» Elle recueille aussi des témoignages d’habitants sur la famille qui vont inspirer et nourrir l’écriture de sa pièce. Elle a choisi de rencontrer elle-m^me les témoins pour pouvoir capter au-delà des mots, les petites choses qui font partie de la relation intime de 2 personnes qui se parlent.
D’autres témoignages seront recueillis à Maubeuge et à Lille grâce à la « cabine maton » imaginée par Brigitte Baillieux et André Meurice. (voir ci-après). Cette cabine ne pourra accueillir qu’une personne à la fois pour préserver l’intimité du témoignage.

Les premières rencontres avec les acteurs amateurs ont eu lieu : « Ce sont des gens qui ont envie de participer à un spectacle, de parler de la famille, de vies de famille très différentes (nombreuses, enfant unique, recomposée.) A la première séance, j’ai demandé aux participants d’apporter un objet qui symbolise la famille, j’ai entendu des choses magnifiques (cf brosse à dents). Je vais forcément en parler à Virginie…. pour qu’éventuellement elle puisse s’en inspirer. La première rencontre était magique : il était étonnant de voir comment des gens qui venaient d’horizons différents formaient un groupe après trois heures de temps. »

La matière du spectacle s’avère donc tout à fait unique : « On va aller chercher sur le terrain. Je ne veux pas démontrer quelque chose de particulier sur la famille, je veux plutôt être à l’écoute de ce que les habitants disent de leur propre famille : c’est l’explication du sous-titre du projet « Autoportrait de famille » Je préfère poser des questions que donner des réponses »

Quant au titre du spectacle, le lien avec la maison est tout trouvé : « Quand tu reçois des invités et qu’ils apportent une fleur ou une bouteille de vin, il est souvent convenu de les remercier avec un « C’est gentil. Il ne fallait ! »
Interview réalisée pour la Maison Folie (Mons-Belgique), dans le cadre du journal de la Maison Folie (numéro 0)

Interview d'Alessia Contu

Alessia Contu est photographe d’art (école Saint-Luc-Liège, plateaux de théâtre et collectif Métamorphoz) et étudie les sciences politiques à la FUCAM, matière qui résonne dans le travail de l’artiste. Aujourd’hui, elle se lance dans l’aventure « D/Connections ».
Que peut bien cacher ce terme ? C’est un travail sur le jeu vidéo « Sims » : logiciel qui permet de construire la vie de personnages. Très vite, Alessia se rend compte que les choix sont basés sur un certain consumérisme américain : « Par exemple, plus tu as des amis, plus ta carrière augmente. Tout se calcule par des jauges…Mais tu as deux choix : soit le jeu vidéo, c’est un repli sur soi, une intimité intérieure ou alors c’est un isolement total…Se pose alors la question de la réalité, tout ce que je mets dans le jeu vidéo, c’est la réalité ? Le quotidien ? » En parallèle, les mass médias trouvent leur place dans la réflexion : « Est-ce qu’on est connecté avec la réalité du monde ou pas ?...Et même si nous sommes ouverts aux informations (lire le journal, regarder la télévision…), ne sommes-nous pas submergés par tout ça ? » D’où le titre « D/Connections », être ou pas en connexion avec ce qui nous entoure.
Enfin le 11 septembre, « C’est un événement qui est entré dans le vécu de chacun…Si tu demandes à quelqu’un de parler du onze septembre, il a toujours quelque chose à raconter… »
Ce genre de catastrophe a des répercussions dans le quotidien de chacun : « Ne serait-ce que dans la manière de voyager, il y a beaucoup plus de contrôles ! »
L’installation « D/Connections » reprendra donc ces trois aspects, Sims, mass média et 11 septembre, sous forme de six télévisions qui diffuseront des captures du jeu vidéo et un montage de JT. Pourquoi la télévision ? « Car c’est l’objet le plus familier pour l’information te bombarde. » Rien ne sera laissé au hasard : travail sonore, interaction entre les télévisions, déplacements du visiteur parmi ces écrans, cri, sifflement, …Le questionnement relève d’un paradoxe assez fou : « Il y a toujours un enjeu qui détermine notre quotidien …et tu peux faire de beaux discours mais ce qui compte c’est le quotidien. Par exemple, en écologie, les gens vont dire « Il fait mauvais ! » et puis c’est tout. Peut-on culpabiliser les gens de réagir comme ça, et de ne pas œuvrer pour une plus belle planète ? Moi, je ne choisis pas, je ne prends pas parti, je ne sais pas…Dans mon installation, une certain moment on arrive à un chaos et un sims pousse un cri, comme celui de Munch…»
La solution d’Alessia Contu vous sera également présentée : « Intégrer le tout selon ses propres capacités…dans un univers artistique. » La Maison Folie sera l’endroit de ce questionnement : « La Maison Folie est le lieu où le projet est né. C’est un lieu que tu peux moduler comme tu veux, un lieu où tu peux réfléchir. »
Interview réalisée pour la Maison Folie (Mons-Belgique), dans le cadre du journal de la Maison Folie (numéro 0)